sans titre, que des mots
Ce sont des centaines de petites choses, elles-mêmes
composées de milliers d’autre, et à leur tour formées par des milliards
d’éléments. Et quand on regarde tout au bout … c’est insignifiant.
Pourtant quand on perd la vie, quand on perd l’accès à ce monde composé de
toutes ces structures d’éléments insignifiants … On a l’impression de perdre
une telle merveille … Ce n’est pas douloureux de mourir, c’est amer. Une
amertume provenant de l’incapacité d’avoir été exclu de la grande danse de
l’univers. One est à coté, on regarde les éléments s’animer et danser, formant
le ballet du monde, condamné à en rester spectateur.
On les voit tous. Des galaxies, formidables convoyeurs de
mondes qui s’enfuient d’un centre devenu omniprésent. Des étoiles, ces
formidables sphères de matière qui la transmutent en une autre avant de s’en
empoisonner et d’exploser, répandant l’œuvre de leur vie dans l’univers. Des
planètes dont certaines sont ornées, et qui, sans jamais se lasser, dansent une
ronde autour de l’astre qui les éclaire.
Et sur certaines de ces planètes … La vie. Oh comme elle est fantastique
l’éternelle valse dont chaque forme de vie est un simple danseur parmi des
millions, mais où chaque individu est l’acteur central de ce spectacle…
Ce spectacle dont je suis condamné à ne plus être qu’un spectateur.
J’ai dansé dans cet univers, dans une galaxie que nous avions appelé
« voie lactée, autour de l’un des milliards d’étoiles qu’elle contenait,
sur une minuscule planète, grain de sable par rapport à l’étoile à laquelle
nous avions donné le nom de Soleil, lui-même grain de sable au sein de notre
galaxie … Et sur cette particule de poussière appelée Terre, nous ne vivions
que sur une partie seulement de sa surface, infime partie de cette planète
titanesque et pourtant si dérisoire.
Peut-être qu’un jour, je reviendrais dans la danse… Mais j’en doute. Ce que je
vais vous conter est l’histoire de ma vie. A travers ces mots, ces lettres, ces
molécules d’encre, je vais vous raconter quels furent mes mouvements dans cette
danse de l’univers, pour que votre danse soit encore plus belle à regarder,
même si je ne fais qu’y ajouter un infime grain de sable.
Normal. Oui, on peut dire que j’étais normal, tout comme je ne l’étais
absolument pas.
Qu’est-ce qu’être normal pour un être humain ? Si c’est avoir deux
bras, deux jambe, une tête, et tout un tas d’autres organes qui fonctionnent,
alors oui, j’étais normal.
Mais dans notre société magnifiquement immonde, çà ne suffit pas. Pour être
normal, il faut aussi brider ses talents. Oh, pas tous, mais tous ceux qui ne
sont pas rentables au court terme. Un ouvrier doit écraser ses talents jusqu’à
ce qu’ils n’en reste plus la moindre trace autre que ce qu’on lui demande, plus
de créativité, plus d’émotivité, plus de sagesse ni de rêves, juste ce qu’il
lui faut d’intelligence pour être efficace. Même plus comme une machine, mais
comme quelque chose de bien pire : comme esclave de machines que d’autres
ont créé.
Et c’est ainsi pour chacun de nous. Nombre de fois, j’ai subit des pressions
qui m’ordonnaient d’incinérer mes talents pour être normal.
De part mon intelligence, j’ai subit de la part de ceux de mon âge un rejet,
tandis que les plus vieux tentaient de m’écraser pour se conforter dans leur
illusion de puissance. De plein de manières différentes, directement ou
indirectement, on a tenté de brûler mon intelligence comme un livre.
Malheureusement pour eux, les flammes n’ont jamais prit, et j’ai maintenant 16
ans bien tassés tandis que je passe ma première année à l’université.
Pour ce qui est de la créativité, je dois avouer que pendant un bon moment,
elle a été sérieusement amoindrie, mais elle repousse maintenant comme une
fleur dont les graines se sont enfouies bien profondément pour passer l’hiver.
Cette métaphore est tout à fait à propos, car la technique qui est utilisée
pour geler la fleur de l’imagination est plus fourbe que ce que je ne le
croyais : on ne l’attaque en rien, c’est juste que lorsqu’on est
‘’éduqué’’ on ne vous donne accès qu’à des ersatz de domaines où elle peut
s’appliquer. Quelques courts d’art plastiques, à la limite un concours de
poésie, et puis c’est bouclé, au lieu de nous permettre de développer notre
créativité, on la met en latence, lui fournissant juste assez pour que son
agonie soit longue. Certains fournissent de quoi maintenir leur fleur en vie,
des dessinateurs, des musiciens, et autres artistes. De mon coté, elle s’est
fânée pendant un moment, puis un nouveau bourgeon est apparut.
Je n’ai raconté que pour ce qui est de deux talents, mais il suffit de renoncer
à garder les yeux clos pour voir que tant d’autres sont réprimés : tout
ceux dont découle la beauté, tandis que d’autre part, on encourage d’autres
vices. Ainsi, notre monde taille soigneusement ceux qui le composent afin qu’ils
soient cupides, cherchant toujours plus de profit, cruels car il faut sans
cesse être plus impitoyable pour survire, du moins le fait-on croire, violents
pour repousser ceux qui sont eux aussi violents, idiots pour rester dans la
béatitude d’une marionnette, fourbes car quand la force ne suffit pas, il faut
se faire plus délicats …
On finirait par en croire que l’humanité de la Terre n’existe que pour produire
trois choses : des déchets, du sang et des larmes.
On croit toujours que les personnes talentueuses, les génies
scientifiques, les écrivains, les artistes, et toutes ces personnes qui
améliorent le monde, sont capables de faire ceci car ils ont reçu à la
naissance un incroyable talent. C’est totalement faux, et cette erreur conduit
à l’envie, la jalousie, puis la haine. La réalité est que tous nous venons au
monde avec d’innombrables talents, seulement le monde dans lequel nous vivons
nous coupe les ailes de la pire manière qui soit : on nous tend une paire
de ciseaux pour trancher nos talents, et pour qu’on pousse les autres à en
faire autant.
Si un pour vous vous prenez par la main, et que vous choisissez de faire renaître
l’un des dons que vous avez fait disparaître avant même qu’il ne puisse croître,
eh bien vous acquérerez l’un des talents que vous croyez au préalable innés, et
dont vous vous ilmaginiez dépourvus.